Cabiria
Action de santé communautaire avec les personnes prostituées à Lyon.

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Publication de l'association Cabiria

Rapport d’activité 2016

Après plus de 5 ans de débats, de désinformations, et de précarisation, la loi dite de pénalisation des clients a été entérinée en avril 2016. Cette loi, dont nous avons vu les premiers effets bien avant son adoption, est forte de sens et aura des conséquences graves sur la vie quotidienne des personnes prostituées, travailleuses du sexe.

En effet, sur les trois points principaux annoncés dans la loi, à savoir le renversement de la charge pénale des personnes prostituées sur les clients, la mise en place d’un parcours de sortie de la prostitution et la publication d’un référentiel de réduction des risques auprès des personnes prostituées, seules la pénalisation des clients et l’abrogation de la loi sur le racolage ont été mises en place. Pour les personnes sur le terrain, les conséquences que nous aurions pu juger positives de l’abrogation du racolage, ne se font pas sentir. En effet, ces dernières années à Lyon, les arrestations pour racolage étaient relativement occasionnelles. Touchant quasi exclusivement les migrantEs, celles-ci sont aujourd’hui toujours contrôlées pour vérification de légalité de séjour. Le contrôle policier ne diminue pas. Pour les femmes exerçant en camionnettes, les arrêtés municipaux n’ont pas été abrogés et la répression, avec ou sans racolage, est toujours aussi forte. Parce qu’elles la vivent au quotidien, les personnes prostituées à Lyon et dans la région lyonnaise, ne retiennent de cette loi que la mise en place de la pénalisation des clients. Cette mesure a, et c’est le moins qu’on puisse dire, des conséquences délétères. Les clients potentiels, abreuvés d’informations tronquées depuis plusieurs années sur cette loi, ont désertés en masse les trottoirs lyonnais par peur des arrestations. Pour les travailleurs et travailleuses du sexe, cela est signifie baisse de revenus, précarisation, obligation de travailler plus, d’accepter des clients qu’elles n’auraient pas acceptés auparavant, au risque de leur santé et de leur sécurité. Concernant le référentiel de réduction des risques auprès des personnes prostituées, nous avons contribué à sa rédaction en lien avec la Direction générale de la Santé (DGS) à l’automne 2016. Celui ci n’a été validé par la Ministre de la Santé que début mars 2017, soit près d’un an après le vote de la loi. Bien que le texte soit intéressant dans la reconnaissance de nos méthodologies d’actions, nous déplorons le temps mis à élaborer ce référentiel. Cela marque, au moins symboliquement, la priorisation de la répression sur la réduction des risques et la prévention. Enfin, le parcours de sortie de la prostitution, deuxième mesure annoncée comme phare de la loi, n’est toujours pas, à l’heure où nous écrivons ses lignes, mise en place concrètement. Cependant, tous les décrets, circulaires paruEs sur le sujet, renforcent ce que nous critiquions depuis des années, soient des mesures qui risquent de mettre des barrières aux personnes souhaitant se réorienter, souhaitant arrêter cette activité, plutôt que des mesures visant à les soutenir dans leurs démarches. La mise en place de ce parcours, par l’obligation faite aux associations de « mettre en place une politique de prise en charge globale des personnes visant à la sortie de la prostitution » , ainsi que l’obligation, pour les personnes souhaitant l’intégrer, d’arrêter leur activité avant même de savoir si elles pourront en bénéficier, ne parait pas compatible avec notre éthique d’intervention, et est dangereuse pour nos actions de réduction des risques. En effet, celles-ci sont basées sur une relation de confiance, parfois longue à instaurer, qui ne pourrait se développer dans contexte où on souhaiterait nous voir tenir une position de contrôle sociale.

Dans ce contexte, et contrairement à ce qu’annonçait les partisans de la loi, les nouvelles personnes qui arrivent, notamment migrantes, sont de plus en plus nombreuses sur les trottoirs lyonnais ou sur les routes de la région. Nous avons du faire face à cette augmentation du nombre de personnes rencontrées, nécessitant toujours un accompagnement spécifique. C’est donc une synthèse de nos actions, des difficultés que nous avons rencontrées ainsi que des manières dont nous avons tenté d’y faire face, que nous vous proposons ici.

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