Accueil du site > L’association > Entre abolitionnisme et règlementarisme
Suite aux différentes déformations, incompréhensions, rumeurs au sujet de la position politique de CABIRIA en matière de prostitution, nous désirons faire une mise au point afin d’éviter toute future confusion à ce sujet.
L’association Cabiria n’a jamais défendu, et ne défendra jamais une position réglementariste concernant la prostitution.
Nous considérons en effet que le système réglementariste est une politique publique qui répond avant tout aux besoins de l’Etat quant à la gestion des flux financiers et des questions sanitaires ainsi qu’aux intérêts économiques des différents "intermédiaires" de la prostitution : le proxénétisme hôtelier, de "soutien", de migration, ... . Le réglementarisme n’est d’aucune façon une réponse adéquate aux besoins et revendications des personnes prostituées elles-mêmes et contribue, au contraire, à renforcer le pouvoir de l’Etat et des proxénètes sur elles au détriment de l’autonomie et la liberté des personnes prostituées.
Les politiques abolitionnistes, elles, ont montré leurs limites. Même si elles permettent une lutte efficace contre le proxénétisme, elles ne garantissent malheureusement pas les droits des personnes prostituées et les ravalent au rang "d’inadaptées sociales" (ordonnances de 60).
Nous avons eu l’occasion, lors des rapports d’activités 1999, 2000 et 2001, d’analyser de façon approfondie ce en quoi ni le système abolitionniste ni le système réglementariste ne répondent aux questions élémentaires de liberté et d’autonomie.
Une véritable politique publique doit, selon nous, partir du droit commun et des droits fondamentaux que tout état démocratique garantie à tou-te-s ses citoyen-ne-s, des revendications et besoins des personnes prostituées elles-mêmes et respecter leurs droits sociaux, civiques et humains élémentaires.
Au-delà du réglementarisme et au-delà de l’abolitionnisme, CABIRIA cherche à promouvoir une politique publique d’émancipation sociale et citoyenne des personnes prostituées face aux multiples violences institutionnelles, étatiques, mafieuses ou commerciales. CABIRIA propose également une réflexion approfondie sur la question de la prostitution au regard de la domination masculine et des rapports sociaux de sexe, ce dans le respect total des choix de vie des personnes prostituées.
Une politique publique efficace en la matière ne peut pas se faire sans la consultation et participation permanente des personnes concernées, raison pour laquelle CABIRIA appelle à l’organisation d’une plate-forme nationale de discussion de la prostitution, organisée à parité avec les personnes prostituées. Cette plate-forme devrait permettre de rassembler les personnes prostituées, les pouvoirs publics, les organismes parapublics (CNAM, Caisse de retraite, ...), organismes privés, associations de terrain, , etc...
Enfin, nous rappelons nos questionnements sur les migrations, également traités dans le rapport d’activité 2001. En quelques mots, nous craignons que la question du trafic ne soit instrumentalisée pour renforcer une politique xénophobe et raciste. Dans les politiques répressives appliquées pour lutter contre le trafic en France RIEN n’est fait pour protéger les victimes de ce trafic. Les femmes migrantes sont ainsi assimilées aux milieu criminel, persécutées, menacées par la police etc. Nous promouvons l’idée que la meilleure des protections pour ses femmes lorsqu’elles sont en France serait de leur donner la possibilité de résider légalement sur notre territoire. Notre expérience depuis bientôt deux ans avec les femmes des pays de L’Europe de l’Est nous démontre chaque jour que ces femmes veulent gagner leur autonomie, y compris dans la pratique de la prostitution.
Loin de toute analyse simplificatrice et stigmatisante du phénomène prostitutionnel, Cabiria rappelle son exigence éthique et intellectuelle d’honnêteté et de respect afin que les personnes prostituées soient enfin prises en compte dans l’élaboration de politiques publiques les concernant.