Cabiria
Action de santé communautaire avec les personnes prostituées à Lyon.

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Revue de presse

24 avril 2013 - Lyon première

Répression : le cri de désespoir des prostituées de Gerland

« On n’en peut plus. On est au pied du mur ». Les yeux de Karen, prostituée et porte-parole du collectif de Gerland s’embuent brièvement alors qu’elle évoque la répression policière dont les travailleurs du sexe font l’objet dans ce quartier du 7ème arrondissement.

Le parc d’activités de l’Artillerie, entre le port Edouard-Herriot et le chemin de fer, accueille les prostitués depuis leur départ du quartier de Perrache. « Ici nous ne dérangeons personne. Il n’y a ni école ni habitations », s’écrie Karen, 45 ans. Las, un arrêté municipal interdit depuis 2010 l’installation de véhicules équipés pour une activité professionnelle.

En 2012, la police a dressé plus de 5270 contraventions et 350 camionnettes ont été mises en fourrière, selon le Progrès. A 35 euros le PV et 136 euros la mise en fourrière, cela fait un total de 232 050 euros réglés l’année dernière par les prostituées de Gerland. Un chiffre largement sous-estimé selon elles. « C’est du racket », s’étrangle Karen.

Or, depuis le 19 mars, la répression se serait intensifiée, affirme cette figure historique de la prostitution à Lyon. « Maintenant, c’est tous les jours et à toute heure », précise la porte-parole. Lundi dernier, la police est ainsi intervenue à 21h30, mardi à 15h30 et mercredi à nouveau dans l’après-midi.

Le mode d’emploi est le même à chaque fois : bouclage du quartier par une 50ène de policiers et contrôle de tous les véhicules, y compris ceux en circulation. Les prostituées se voient verbalisées pour racolage passif, un délit dont l’abrogation a pourtant été votée par le Sénat (en attendant le vote de l’Assemblée nationale), et les camionnettes dont les occupantes n’ont pas le permis, sont envoyées à la fourrière.

« Tout ce qu’ils veulent c’est nous virer », proteste Karen. Une volonté que la police ne nie pas. « Nous avons décidé de mettre un coup d’arrêt à ce phénomène », indique Albert Doutre, directeur départemental de la sécurité publique, qui évoque « un sentiment d’insécurité » créé par la prostitution. « Nous voulons faire en sorte que ça leur coûte plus cher que cela ne leur rapporte », ajoute le commissaire divisionnaire Nadine Le Calonnec, citée par le Progrès. Travailler plus pour gagner moins

« On est obligées de faire plus d’heures, de travailler plus de jours », indique Karen. « Comme ils nous chassent en journée et en soirée, nous sommes obligées de travailler la nuit. » Avec les risques que cela comporte. « La clientèle de nuit est plus agressive », indique la porte-parole.

S’y ajoute une recrudescence générale de la violence envers les prostituées : vols à main armée, viols, dégradations et même menaces de mort. « C’est devenu quotidien », soupire Karen, tout en étant incapable de chiffrer le phénomène. Pour l’association lyonnaise Cabiria, qui vient en aide aux prostitués, le climat général favorise le passage à l’acte. « Considérer les prostituées comme des délinquantes augmente le risque d’agression, en donnant une légitimité aux agresseurs », explique Antoine Baudry, l’un des animateurs de l’association.

A la ville de Lyon, on justifie l’arrêté par les plaintes reçues d’entreprises installées sur le secteur. Car le secteur compte quelques pépites, comme Genzyme, filiale de Sanofi-Pasteur et fleuron du pôle de biotechnologies, qui fait la fierté de Gérard Collomb. Appel à la médiation

Face à ce problème, Cabiria appelle à la « médiation ». « Nous sommes prêts à rencontrer les sociétés du quartier pour travailler avec elles en bonne intelligence », affirme Antoine Baudry. Une démarche déjà menée en 2011 envers les habitants de Gerland en collaboration avec le centre social du quartier.

Décidées à rester à Gerland, les prostituées affirment n’avoir aucun endroit de repli. « Même sur les routes nationales, la gendarmerie nous chasse », relève Karen. Une manifestation nationale est prévue en juin à Paris.

Publié le : mercredi 24 avril 2013, par Michael Augustin